P Saussoy,V Druez (Bruxelles)
La transfusion sanguine ne doit pas être considérée comme l’administration d’une médication ordinaire. Il s’agit de produits spécifiques dont les risques multiples d’administration sont liés à leur origine humaine. En outre, les risques de la transfusion de sang homologue sont proportionnels au nombre d’unités administrées. Les problèmes majeurs de la transfusion sanguine sont :
1) Le risque de transmission virale qui persiste malgré les dépistages systématiques de plus en plus efficaces. L’hépatite C reste la plus fréquemment transmise, tandis que l’hépatite B et le virus de l’immunodéficience humaine ne le sont plus que rarement.
2) La transmission bactérienne.
3) Les erreurs humaines, principale cause des accidents transfusionnels et qui sont le plus souvent liés à une incompatibilité ABO.
4) L’alloimmunisation du receveur contre les différents donneurs auxquels il a été exposé.
5) Le syndrome de rejet de greffon contre l’hôte, de sombre pronostic, et qui est dû, dans certaines populations telles que les transplantés ou les prématurés, à la transfusion concomitante de lymphocytes immunocompétents.
6) Des troubles métaboliques.
7) La dégradation du sang au fur et à mesure de la conservation et ce dès le 5ème jour de conservation.
8) L’immunomodulation.
Toutes ces raisons ont augmenté l’intérêt pour les méthodes d’épargne sanguine, spécialement au cours de la chirurgie réglée, telle qu’en orthopédie. Ces méthodes ont pour but de limiter au maximum le recours à la transfusion homologue et, lorsqu’elle est indispensable, de veiller à réduire l’exposition du patient à de multiples donneurs (Principe du Minimal Exposure Transfusion).
Le premier groupe de mesures qui permettent de diminuer les besoins en transfusion sanguine concerne la limitation des pertes par une technique chirurgicale et anesthésique méticuleuse, assurant en particulier une hémostase soignée, un positionnement optimal du patient ainsi qu’une hypotension contrôlée par une anesthésie générale profonde. Comme autre groupe de mesures thérapeutiques, il faut prendre en considération les méthodes classiques, reconnues, d’épargne sanguine. Ces moyens d’épargne peuvent être pré-opératoires (le traitement par l’érythropoïétine, la transfusion autologue programmée,..), per-opératoires (l’hémodilution aiguë normovolémique ou hypervolémique, la récupération des pertes sanguines chirurgicales, la vasoconstriction médicamenteuse), ou post-opératoires.
Nous nous proposons d’exposer brièvement les différentes méthodes classiques d’épargne sanguine ainsi que respectivement leur rapport coût, bénéfices et risques. Nous exposerons d’autre part la politique transfusionnelle du service d’orthopédie des Cliniques Universitaires Saint Luc (Bruxelles, Belgique) dans ce domaine et les choix méthodologiques retenus.
En conclusion, comme le risque transfusionnel zéro n’existe pas, il faut donc pour la transfusion, comme pour tout acte médical, optimiser le bénéfice / coût et le bénéfice / risque en passant par une prescription adaptée à chaque patient et à chaque intervention. Le développement d’une vraie stratégie transfusionnelle adaptée d’une part au saignement total calculé pour une intervention donnée dans un centre donné et d’autre part, au consensus sur le seuil transfusionnel et donc au calcul de la perte autorisée (en tenant compte des antécédents du patient), est un outil précieux d’aide à la décision.