M. Bénichou, et le groupe TALUS (Montpellier)
INTRODUCTION
Le traitement chirurgical des tendinopathies chroniques du tendon d’Achille est difficile :les séquelles douloureuses et les récidives sont fréquentes. Cette difficulté est à relier à une pathogénie complexe, relevant à la fois de facteurs mécaniques, vasculaires, et dégénératifs. Le traitement chirurgical par transfert tendineux a un triple objectif, de comblement tissulaire, d’apport vasculaire et de renfort moteur. Le transfert du tendon long fléchisseur des orteils a été décrite par Mann dans les ruptures anciennes en 1991(4)
TECHNIQUE
La technique du transfert du tendon long fléchisseur des orteils sur le tendon d’Achille est facilitée par la proximité de ces deux tendons. Elle est possible dans les tendinopathies corporéales comme pour les entésopathies.
Le patient est installé en décubitus ventral. L’incision est unique, para achilléenne médiale, longue. La préparation du tendon d’Achille est fondamentale : dans les tendinopathies corporéales, le tendon est incisé longitudinalement sur sa ligne médiane, ouvert en deux, et l’excision de tous les tissus nécrotiques est « carcinologique ». Dans les entésopathies, le tendon est incisé en deux, et totalement désinséré. La surface osseuse est décortiquée, et la tubérosité postéro supérieure est abrasée.
La dissection du tendon long fléchisseur des orteils s’effectue plan par plan : incision du fascia intermusculaire médial; le tendon du fléchisseur propre du gros orteil est le plus proche du tendon d’Achille; découverte et protection du pédicule vasculo-nerveux; le tendon long fléchisseur des orteils est plus profond, en avant du pédicule tibial postérieur. Il est important de poursuivre sa dissection jusqu’en sous malléolaire, pratiquement jusqu’à son passage plantaire, en s’aidant d’une mise en flexion plantaire de la cheville. Une fois sectionné, le tendon est disséqué haut en amont, afin de le décroiser du pédicule tibial postérieur.
Le transfert est passé à l’intérieur du tendon d’Achille, à travers sa face antérieure. Il est suturé, soit au corps du tendon d’Achille qui est refermé sur lui, soit inséré sur le calcanéum, en trans osseux. La tension donnée au transfert tendineux doit être telle qu’elle permette la conservation d’une mobilité complète de la cheville en flexion dorsale.
L’immobilisation post opératoire est de six semaines sans appui, pieds en équin complet pendant les trois premières semaines.
DISCUSSION
Le traitement des tendinopathies chronique d’Achille a deux aspects : biologique et mécanique.
L’objectif biologique est l’obtention de la cicatrisation d’un tendon nécrotique, ce qui repose sur l’exérèse des tissus morts, et l’induction d’une cicatrisation par un apport tissulaire et un appel, ou un apport vasculaire. La vascularisation tendineuse doit être durable pour éviter la récidive dégénérative et nécrotique, ce qui est un des avantages du transfert tendineux.
Sur le plan mécanique, l’hypertrophie cicatricelle du tendon participe à l’augmentation de sa résistance mécanique, mais l’avantage du transfert tendineux est un allègement des contraintes passives et actives sur le tendon.
Le hersage tendineux est un renfort mécanique du tendon d’Achille, par un appel vasculaire et une hypertrophie fibreuse cicatricielle du tendon. Elle semble insuffisante dans les tendinopathies nécrotiques, présentant une structure hétérogène à l’IRM, et dans les ruptures partielles.
Les plasties tendineuses, de type Bosworth, constituent un renfort mécanique passif, et un complément tissulaire important, mais sans apport vasculaire. Ces plasties sont utiles lorsque le nettoyage tendineux laisse un large défect tendineux, et dans les ruptures partielles ou complètes anciennes.
Les transferts tendineux libres, utilisant le tendon rotulien, ou du fascia lata, sont à rapprocher des plasties tendineuses, en tant que renfort mécanique passif, dépourvus de vascularisation, mais constituant un apport tissulaire abondant et de qualité, en particulier mécanique.
Le transfert du tendon fléchisseur propre du gros orteil, très utilisé, a l’avantage de sa toute proximité avec le tendon d’Achille, et de posséder un volumineux corps musculaire descendant très bas au contact du tendon d’Achille, source principale de l’apport vasculaire.
Sa valeur motrice est supérieure à celle du tendon long fléchisseur des orteils. L’inconvénient majeur est le sacrifice de la flexion active du gros orteil, fonction non palliée, essentielle et de plus synergique du tendon d’Achille dans le temps d’impulsion du pas.
Le transfert du tendon long fléchisseur des orteils, a les mêmes avantages, certes moins développés : un peu moins proche du tendon d’Achille, mais accessible par la même voie d’abord ; un corps musculaire qui descend aussi bas, moins volumineux, mais pour autant, qui constitue un apport vasculaire conséquent à l’intérieur du tendon ; un tendon de section inférieure, et de force musculaire moindre que celle du fléchisseur propre, mais toujours très loin des capacités du tendon d’Achille, ce qui n’en fait pas un transfert palliatif; surtout le prélèvement du long fléchisseur des orteils est pallié par le court fléchisseur plantaire, et participe parfois au traitement des griffes d’orteils présentes dans les ruptures anciennes.
L’indication du traitement chirurgical des tendinopathies chroniques d’Achille par transfert tendineux se pose en cas d’échec du traitement médical, et dépend principalement de la structure tendineuse, appréciée au mieux sur l’IRM. Une tendinopathie avec une structure homogène, nodulaire ou non, relève principalement du traitement médical, et c’est éventuellement là, la place d’un traitement chirurgical par hersage. Les transferts tendineux sont indiqués dans les tendinopathies hétérogènes, fibro nécrotiques, et dans les ruptures tendineuses anciennes.