P Fardellone, L Fages, F Grados (Amiens)
Introduction
L’ostéoporose est une maladie de l’ensemble du squelette, associant une diminution de la masse osseuse et des altérations de la qualité osseuse aboutissant à une fragilité osseuse excessive et donc à un risque accru de fractures faisant toute la gravité de la maladie ostéoporotique de par leur fréquence, les fortes morbidité et mortalité qui les accompagnent ainsi que par les coûts engendrés. Toutes les fractures ostéoporotiques retentissent durablement sur la qualité de vie mais les fractures de l’extrémité supérieure du fémur (FESF) et les fractures vertébrales s’accompagnent d’une surmortalité significative.
Comment fait-on le diagnostic d’ostéoporose ?
Il y a deux circonstances qui permettent d’évoquer cliniquement le diagnostic d’ostéoporose chez une femme ménopausée et de le confirmer par la pratique d’une ostéodensitométrie :
1. la survenue récente ou ancienne d’une fracture peu traumatique. On appelle fracture peu traumatique ou « de basse énergie » une fracture survenue au cours d’un traumatisme dont l’ampleur ne dépasse pas la chute de la hauteur du sujet. Toutes les parties du squelette peuvent être le siège d’une fracture ostéoporotique à l’exception du crâne, du rachis cervical, du rachis thoracique au-dessus de la quatrième vertèbre, les mains et les orteils.
2. Le recherche systématique de facteurs de risque d’ostéoporose chez une femme ménopausée qui conduira à la découverte d’une valeur pathologique de DMO à au moins un site.
Dans ces deux circonstances, l’ostéodensitométrie est remboursée depuis le 29 juin 2006.
Quelles femmes traiter et par quelles molécules ?La découverte d’une ostéoporose nécessite a priori la mise en route d’un traitement spécifique. A l’heure de la médecine basée sur les preuve (« evidence based medicine »), les traitements anti-ostéoporotiques doivent avoir fait la preuve scientifique de leur efficacité anti-fracturaire par des études menées en double aveugle contrôlées et randomisées.
Les bisphosphonates qui sont des antirésorbants ralentissent du remodelage de l’os comme en témoigne la forte et rapide réduction des marqueurs biologiques de la résorption (CTX, NTX, Pyridinolines) et de la formation osseuse (PAO, ostéocalcine). Les SERMs sont également des inhibiteurs de la résorption en étant soit agonistes soit antagonistes des estrogènes au niveau de leurs récepteurs. Le tériparatide, portion active 1-34 de la parathormone, administrée en injection sous-cutanées quotidienne possède une forte activité ostéoformatrice. Le Ranélate de Strontium conjugue formation et résorption ce qui se traduit par une diminution des marqueurs de la résorption mais également par une augmentation des marqueurs de l’ostéoformation (découplage cellulaire).
Le choix d’une première molécule plutôt qu’une autre ne fait pas l’objet d’un consensus. On peut cependant s’aider de paramètre comme :
– l’âge de la patiente. Les femmes de moins de 70 ans dont le risque fracturaire est essentiellement vertébrale pourront bénéficier du raloxifène. Mais rien n’interdit de prescrire un bisphosphonate ou du ranelate de strontium
– L’existence de fractures prévalentes. Un antécédent de fracture périphérique pourra faire pencher la balance décisionnelle vers une molécule ayant montré son efficacité dans la prévention des fractures non vertébrales comme les bisphosphonates ou le ranelate d de strontium. Par contre, l’existence d’au moins deux fractures vertébrales signe l’existence d’une ostéoporose particulièrement sévère justifiant l’utilisation du tériparatide.
– La préférence du mode d’administration : certaines femmes préfèreront une administration quotidienne vespérale de ranelate de strontium à une prise à jeu même hebdomadaire.
– Les antécédents : un antécédent thrombo-embolique doit faire éviter le raloxifène et le ranelate de Strontium.
Tableau 1 : principales études pivots concernant les traitements anti-ostéoporotiques :
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A côté des traitements pharmacologiques, les règles hygiénodiététiques sont toujours indispensables et reposent sur l’évitement du tabagisme et d’une consommation excessive d’alcool (plus de deux verres par jour). Un exercice physique régulier est recommandé, adapté aux possibilités physiques de chacun. Enfin, il faut s’assurer de la satisfaction des besoins alimentaires quotidiens en calcium et protéines essentiellement et rechercher une insuffisance en vitamine D pour la corriger.
Quelle est la durée optimale du traitement ?
Il n’y a pas non plus de consensus concernant la durée idéale d’un traitement anti-ostéoporotique, cependant, la durée des essais thérapeutiques évaluant l’efficacité anti-fracturaire nous incite à traité au moins 5 ans et le recul maximal concernant ces mêmes études montre qu’après dix années il n’y a pas de toxicité osseuse d’après les données histologiques et l’absence de recrudescence fracturaire qui s’observerait en cas d’effet délétères. Pratiquement, après cinq ans de traitement il s’offre trois possibilités :
1. l’arrêt pur et simple si l’on considère que la résistance osseuse est convenablement restaurée (élévation de la DMO, disparition de certains facteurs de risque s’ostéoporose, voire de chute chez les plus âgés). Une nouvelle évaluation de la situation trois à cinq ans plus tard est à envisager.
2. Une suspension d’un à deux ans (« vacances osseuses »), permettant au remodelage osseux de repartir et de permettre à l’os de s’adapter aux nouvelles contraintes mécaniques et métaboliques.
3. Poursuite du traitement sans discontinuer pendant dix ans si le risque fracturaire initial est très important.
Comment surveiller le traitement ?
Une des difficultés majeure dans le traitement des maladies chroniques est l’adhésion au traitement. La persistance à un an sous bisphosphonate n’est que de cinquante pourcents. Les traitements même pris de façon optimale ont une efficacité qui avoisine cinquante pourcents de réduction du risque fracturaire. En ‘autre terme, la survenue d’une fracture intercurrente ne signifie pas un échec du traitement. Cependant, il est difficile de ne pas changer de traitement à un patient qui est victime d’une fracture intercurrente. La densitométrie n’est pas un bon examen pour le suivi thérapeutique, de plus le second examen ne sera remboursé qu’à la fin du traitement. Le dosage des marqueurs du remodelage peut être utile à trois ou six mois pour apprécier l’efficacité du traitement ou simplement l’observance ; en cas de traitement antirésorbant les valeurs du CTX sériques sont normalisées (valeurs des femmes préménopausées). La communication d’un résultat satisfaisant aux patientes améliore la persistance.
Quelle est la place de la supplémentation en calcium et en vitamine D ?
Tous les traitements anti-ostéoporotiques ont été évalués en association avec une supplémentation en calcium et le plus souvent en vitamine D. En toute logique, la co-prescription devrait être systématique et cette association a montré sa supériorité sen terme de réduction du remodelage osseux. Il faut au minimum s’assurer que les apports alimentaires en calcium sont satisfaisants (questionnaire alimentaire) et que le statu en vitamine D est correct (dosage sérique de la 25OHvitamineD3).
Reste t’il une place au traitement hormonal de la ménopause ?
Jusqu’à l’avènement de l’étude américaine randomisée WHI (Women’s Health Initiative), le THS ou traitement hormonal de la ménopause (THM) était considéré comme le traitement préventif de choix de l’ostéoporose bien que cette opinion ne fut fondée que sur des études d’observation ou rétrospectives. C’est pourtant l’étude WHI, portant sur plus de 16 600 femmes ménopausées qui a démontré pour la première fois que le THS diminuait significativement l’incidence des fractures de l’extrémité supérieure du fémur. Le THS n’est plus conseillé comme traitement préventif de l’ostéoporose car WHI a mis en évidence une augmentation significative du risque cardio-vasculaire qui vient s’ajouter au risque déjà connu de cancer mammaire. Les durées de traitement substitutif de la ménopause proposées actuellement sont bien inférieures aux 5 à 7 années nécessaires pour infléchir l’incidence des fractures.
Conclusion
Le praticien dispose actuellement de nombreuses molécules ayant démontré leur efficacité dans la pris en charge de l’ostéoporose. L’année 2006 a par ailleurs été marquée par deux avancées dans la prise en charge de la maladie : le remboursement de la densitométrie dans les populations à risque et le remboursement des traitement chez les ostéoporotiques avant la première fracture. Les problèmes qui demeurent sont l’amélioration de l’adhésion au traitement, une meilleure définition des populations à risque de fractures en s’aidant d’un score composite multifactoriel, et une meilleure connaissance de la durée des traitements et de leur utilisation séquentielle.