Ph Connes, M Romana, MD Hardy-Dessources, M Etienne-Julan, B Tressieres, ML Lalanne-Mistrih (UMR Inserm S 763, Pointe a Pitre, Guadeloupe)
La drépanocytose est l’une des maladies monogéniques les plus fréquentes de par le monde. Endémique en Afrique Sub-Saharienne, elle concerne particulièrement les populations antillo-américaines. En Guadeloupe et en Martinique, cette hémoglobinopathie représente un réel problème de santé publique avec 12% de transmetteurs dans la population, 1 nouveau-né drépanocytaire sur 260 et approximativement 2 000 patients sur ces deux territoires. La drépanocytose est une hémoglobinopathie liée à la présence d’une hémoglobine anormale, l’hémoglobine S (HbS, α2β2S) qui résulte du remplacement d’un acide glutamique par une valine en position 6 de la chaîne βglobine (transversion A → T). En situation désoxygénée, l’HbS polymérise au sein des globules rouges SS, entraînant une déformation (falciformation), une rigidification et une diminution de la durée de vie de ces cellules. Ces anomalies biochimiques et biologiques sont impliquées dans les manifestations cliniques caractéristiques de la maladie ; l’anémie hémolytique chronique, les complications vaso-occlusives de la microcirculation et des gros troncs artériels cérébraux ainsi que l’asplénie fonctionnelle responsable d’une sensibilité accrue vis à vis des germes encapsidés. L’ensemble de ces anomalies et leurs conséquences cliniques s’observent, à des degrés divers, pour plusieurs associations génotypiques : homozygotie SS, hétérézygotie composite SC, Sβthalassémie, SOArab et SDPunjab. Elles constituent les syndromes drépanocytaires majeurs (SDM).
Du point de vue de sa présentation clinique, la drépanocytose se caractérise par une grande hétérogénéité et une grande variabilité inter – individuelle dans l’expression des complications qui lui sont associées.
Les pourcentages d’hémoglobine S et d’hémoglobine F sont souvent considérés comme des facteurs de modulation de la sévérité de la pathologie [6].
Des travaux plus récents soulignent également l’intérêt de surveiller certains marqueurs de l’inflammation et de l’adhérence vasculaire qui pourraient être largement impliqués dans l’expression clinique de la maladie [1-3; 5; 7]. En effet, ces marqueurs de l’inflammation conduisent généralement à la surexpression de certains facteurs impliqués dans les mécanismes d’adhérence vasculaire et intercellulaire tels que VCAM-1, ICAM-1, les sélectines E, L et P [7]. Cette augmentation du potentiel adhésif des érythrocytes, des leucocytes et des plaquettes à l’endothélium serait ainsi favorable à l’initiation de certaines complications, telles que les crises vaso-occlusives douloureuses.
D’un point de vue hémorhéologique, les patients drépanocytaires SS et SC sont caractérisés par une déformabilité érythrocytaire réduite et un seuil de désagrégation érythrocytaire très élevé qui marque la présence d’une difficulté importante à rompre le contact des globules rouges entre eux, et pourrait perturber la microcirculation [8]. Les travaux réalisés chez les patients drépanocytaire SC ont également rapporté une viscosité sanguine élevée chez ces patients [4; 8] par rapport aux drépanocytaires homozygotes SS mais aussi par rapport à des individus sans hémoglobinopathie. La raison de cette hyper-viscosité sanguine tient au fait que les patients SC sont caractérisés généralement par une anémie très légère par rapport à la forme homozygote SS de la drépanocytose et par conséquent, ne présentent pas vraiment d’anémie compensatrice des troubles de la rhéologie du globule rouge [8]. Néanmoins, alors que la forme SC semble marquée par des troubles de la rhéologie sanguine extrêmement prononcés, la forme SC est généralement et paradoxalement cliniquement moins sévère que la forme SS. Néanmoins, un certain nombre de complications très spécifiques à la forme SC, telles que la rétinopathie, la surdité ou encore les nécroses de la tête fémorale, pourraient être la conséquence de cette hyperviscosité sanguine favorable à des épisodes thrombotiques.
References :
1. Conran N, Fattori A, Saad ST and Costa FF. Increased levels of soluble ICAM-1 in the plasma of sickle cell patients are reversed by hydroxyurea. Am J Hematol 76: 343-347, 2004.
2. Etienne-Julan M, Belloy MS, Decastel M, Dougaparsad S, Ravion S and Hardy-Dessources MD. Childhood sickle cell crises: clinical severity, inflammatory markers and the role of interleukin-8. Haematologica 89: 863-864, 2004.
3. Kato GJ, Martyr S, Blackwelder WC, Nichols JS, Coles WA, Hunter LA, Brennan ML, Hazen SL and Gladwin MT. Levels of soluble endothelium-derived adhesion molecules in patients with sickle cell disease are associated with pulmonary hypertension, organ dysfunction, and mortality. Br J Haematol 130: 943-953, 2005.
4. Kaul DK, Baez S and Nagel RL. Flow properties of oxygenated HbS and HbC erythrocytes in the isolated microvasculature of the rat. A contribution to the hemorheology of hemoglobinopathies. Clin Hemorheol 1: 73-86, 1981.
5. Malave I, Perdomo Y, Escalona E, Rodriguez E, Anchustegui M, Malave H and Arends T. Levels of tumor necrosis factor alpha/cachectin (TNF alpha) in sera from patients with sickle cell disease. Acta Haematol 90: 172-176, 1993.
6. Nagel RL, Bookchin RM, Johnson J, Labie D, Wajcman H, Isaac-Sodeye WA, Honig GR, Schiliro G, Crookston JH and Matsutomo K. Structural bases of the inhibitory effects of hemoglobin F and hemoglobin A2 on the polymerization of hemoglobin S. Proc Natl Acad Sci U S A 76: 670-672, 1979.
7. Stuart MJ and Nagel RL. Sickle-cell disease. Lancet 364: 1343-1360, 2004.
8. Tripette J, Alexy T, Hardy-Dessources MD, Mougenel D, Beltan E, Chalabi T, Chout R, Etienne-Julan M, Hue O, Meiselman HJ and Connes P. Red blood cell aggregation, aggregate strength and oxygen transport potential of blood are abnormal in both homozygous sickle cell anemia and sickle-hemoglobin C disease. Haematologica 94: 1060-1065, 2009.