JL Moyat, (Strasbourg), Th Aslanian, JC.Carbonnier, AFIDEO
RESUME DE LA COMMUNICATION:
Depuis bientôt près de 30 ans, comme tout marché, celui des implants orthopédiques a traversé un nombre d’évolutions et de péripéties, d’une part au plan mondial (USD 20 milliards /€ 15 milliards) et plus particulièrement au niveau européen (USD 4 milliards/€ 3 milliards) dont nous allons vous entretenir aujourd’hui.
L’A.F.I.D.E.O. association composée d’industriels européens et français comporte heureusement encore quelques entreprises, trop réduites en nombre et de notre point de vue, conceptrices et productrices d’implants articulaires (compte tenu du temps imparti, nous ne vous parlerons que de ce segment de marché aujourd’hui), qui étaient déjà actives sur ce marché en 1980.
Conscients de votre haute expérience scientifique et technique, notre propos n’est pas de vous infliger une longue évocation historique, de nombreuses publications ayant déjà largement traité le sujet. Nous nous contenterons de vous rappeler brièvement qu’en 1980, la quasi-totalité des implants orthopédiques disponibles sur le marché mondial avaient été pensés, définis par des chirurgiens orthopédistes européens et français, découvreurs et maîtres à penser de renommée mondiale : MAC-KEE, CHARNLEY, MULLER, OLLIER, JUDET, KERBOULL, LETOURNEL pour le cotyle, GROSSE et KEMPF pour la trauma, COTREL-DUBOUSSET, LOUIS et ROY-CAMILLE pour le rachis, pour ne citer que ces grands pionniers. Validés et produits par des firmes également européennes telles que , BENOIST et GIRARD, CERAVER, DELORO SURGICAL, FOURNITURES HOSPITALIERES, LANDANGER, LINK, MAHAY, PROTEK, SCIENCE & MEDECINE, SERF,THACKRAY,TORNIER, etc., bien plus nombreuses et flexibles en termes de recherche et développement d’implants que les quelques concurrents américains de l’époque, pour mémoire : HOWMEDICA, DE PUY, RICHARDS, ZIMMER (USA).
Les bons résultats engrangés, notamment en prothèse de hanche puis en genoux, les évolutions technologiques constatées au début des années 1980 permirent de généraliser l’utilisation de ces implants et de traiter les patients en bien plus grand nombre.
L’élargissement du marché a également entre 1980 et 1990 permis l’apparition de nouveaux types de prothèses, souvent dérivées (améliorations) des concepts historiques originaux en FRANCE, ALLEMAGNE, à un moindre degré en GRANDE-BRETAGNE, puis en ITALIE, ESPAGNE ; quelques rares exemples ont également existé dans ce qu’il convient maintenant d’appeler l’ex bloc de l’Est (POLOGNE, RUSSIE).
Cette rapide progression en volume du marché a favorisé en EUROPE l’éclosion de nouvelles entreprises à l’écoute des besoins des utilisateurs soucieux d’améliorer les produits et techniques existantes (matériaux, fixation sans ciment, têtes céramique, plateaux rotatoires, prothèses sur mesure, instrumentation, substituts osseux…). Quelques exemples français : AMPLITUDE, ASTON, BIOTECHNI, DEDIENNE SANTE, DELMED, EUROS, GROUPE LEPINE, et européens : CORIN, LIMA, MEDACTA, PLUS ORTHOPEDICS, SYMBIOS ; de permettre le traitement d’indications particulières non encore pourvues de solution prothétiques adaptées : prothèses d’épaule, de cheville, implants de pied (AOS, KISCOMEDICA, TRANSYSTEME). Au cours de cette période on assiste également l’arrivée de grands groupes non présents auparavant dans le segment des implants orthopédiques : B. BRAUN (acquisition d’AESCULAP) BIOMET (acquisition de ZIMMER UK), EXACTECH, SMITH & NEPHEW (acquisition de RICHARDS), STRYKER.
Ensuite sont intervenues des opérations de conquête de part de marché par les grands groupes ; nous citerons que des exemples particulièrement représentatifs parmi tous les mouvements intervenus : les acquisitions des pionniers britanniques THACKRAY (CHARNLEY) et les ciments CMW par DE PUY (J&J) celle du groupe suisse PROTEK (SULZER) par ZIMMER ; exemples français : LANDANGER (Hanches) par De PUY (J&J) SOFAMOR en rachis et TORNIER pour l’épaule.
Plus récemment, l’émergence d’implants en provenance soit de pays avancés technologiquement tels que l’AUSTRALIE, BRESIL, ISRAEL, le JAPON, ou de géants comme la CHINE, dont certains ne correspondent pas toujours à nos exigences de qualité et de recul mais, présentent un attrait pour les gestionnaires d’établissements de soins au niveau de leurs coûts apparents.
Les industriels européens se mobilisent et sont particulièrement soucieux face aux éléments suivants :
1. Les rachats et concentrations qui vont avoir pour effet une réduction significative du nombre d’acteurs industriels sur le marché européen (et mondial) avec un déséquilibre très marqué en faveur des grands groupes ( 7 sociétés, 75% du marché total) opérant à partir de leurs sièges sociaux situés dans le premier marché mondial les États-Unis (y compris SMITH & NEPHEW dont la base orthopédique y est localisée). L’observation des acquisitions effectuées sur les 10 dernières années démontre que pratiquement seuls ces « majors » ont les capacités de s’offrir pour un investissement élevé des parts de marché significatives au détriment des entreprises européennes principalement. Pour ces « majors » en situation d’oligopole, la nécessité absolue d’amortir rapidement leurs acquisitions (cotation en bourse de NY) et la règle de gestion bien connue des 80/20 va engendrer de nombreux effets de réduction sur les produits contenus dans les différents catalogues, ceci au détriment des filiales européennes qui deviendront progressivement ou rapidement, selon les stratégies individuelles appliquées, des entités de distribution d’implants et services conçus « ailleurs ».
2. Les pressions tarifaires sur les implants (coûts par pathologie, intégration potentielle de tous les DMI dans la T2A), le fait qu’en France à titre d’exemple les tarifs notamment des prothèses de hanches n’ont pas augmenté depuis 1991 pour les prothèses de hanche, depuis 1995 pour les prothèses de genou.
3. La non diminution des coûts commerciaux (dépôts, services, frais de livraison, formation, congrès) et l’augmentation des coûts de développement.
4. les coûts de mise en place des mesures réglementaires récentes (marquage CE, les dossiers à constituer tant pour la mise sur le marché que pour le suivi clinique, les obligations d’information du patient via les prescripteurs et/ou les associations de patient), les nouvelles taxes sur les dépenses de marketing dont le taux vient d’être doublé.
Tous ces éléments cumulés vont très rapidement avoir un effet restrictif sur :
• La diminution pour les prescripteurs du catalogue global mis sur le marché par les fabricants,
• Le ralentissement, voire la diminution des programmes de développement, donc moins d’innovation,
• La réduction des dépenses marketing de plus en plus encadrées et taxées,
• L’omniprésence anglo-saxonne mondiale dans la communication scientifique orthopédique, résultant de faux prétextes (ie. méthodologie insuffisante, langue…)
Sans en rajouter, car les diverses incidences sont déjà suffisamment préoccupantes, nous souhaitons que tous les acteurs de notre marché en soient pleinement informés et qu’ils puissent intégrer le fait que sans un effort de remise en cause collectif, finalement ce seront en premier lieu les patients qui subiront directement et rapidement les effets de la constriction de l’offre « implants orthopédiques ». En outre, la récente étude publiée par CATON et DELAUNAY vient d’illustrer clairement l’impact économique de l’activité « Prothèses de hanches » en France. N’oublions pas dans nos analyse et choix que les implants orthopédiques génèrent au niveau des industriels une activité très importante en Europe et France (R&D, production, marketing, distribution) concentrée sur la réalisation des évolutions d’implants existant et le développement de nouvelles solutions découlant directement de l’expérience cumulée des chirurgiens orthopédistes européens.
Soyons attentifs et supportifs, ne laissons pas ce tissu économique technique et scientifique générateur de progrès, disparaître d’Europe (et de France).