N Rosencher (Paris)
Introduction
Avec la découverte de la conformation moléculaire en trois dimensions des facteurs de coagulation, les chimistes ont pu localiser précisément le site ou les sites actifs de ces molécules pour les inhiber directement et spécifiquement. Cette spécificité permet de prévoir beaucoup mieux l’effet anticoagulant et donc d’éviter la surveillance biologique de la coagulation. Leurs contre-indications communes sont les femmes enceintes, l’allaitement, l’insuffisance Hépatique et rénale sévères.
1.Les HBPM restent l’anticoagulant de référence en orthopédie du fait de leur maniabilité et de l’importance du recul les concernant. Ce sont les seul qui sont autorisés en relais des AVK, associés au clopidogrel et tolérés chez la femme enceinte et chez l’insuffisant rénal sévère en prophylaxie.
2. Le dabigatran etexilate (Pradaxa®)(1, 2)anti IIa spécifique oral, atteint sa concentration maximum en 2 à 4h et est éliminé exclusivement par le rein, sa demi-vie est de 14-17h. Il est prescrit normalement à la dose de 220mg/jour.. Mais son grand avantage est sa faible dose (150mg/jour) qui a reçu une AMM particulière chez les sujets fragiles, >75ans, et/ou insuffisants rénaux modérés, sujets de plus en plus fréquent en chirurgie orthopédique.
3. le Rivaroxaban (Xarelto®)(3, 4), antiXa direct, à la dose de 10mg/jour par voie orale, atteint sa concentration maximum en 2-4h après une prise orale, sa demi-vie chez les patients est de 7à 11h, mais seulement 33% est éliminé sous forme active par le rein. C’est actuellement le seul anticoagulant, à réduire les thromboses symptomatiques significativement. Dans toutes les études, il n’existe pas de différence significative sur les saignements majeurs selon une définition qui exclut les saignements sur le site chirurgical. Cependant, il existe une légère augmentation du saignement quelque soit le critère en comparaison avec l’enoxaparine. Les principales interférences médicamenteuses sont les antifungiques azolés et le ritonavir.
4. L’Apixaban est en dépôt d’AMM.(5) Cet antiXa direct, à la dose de 2.5mg est donné 2 fois par jour, il atteint sa concentration maximum en 2 à 4h et sa demi-vie est de 12à 14h. La particularité de cet anti-Xa est son élimination par voie hépatique à 75% et 25% seulement par voie rénale, ce qui serait intéressant chez les insuffisants rénaux. Les études de phase III ont montré une meilleure efficacité (significative) mais aussi une tendance à la diminution des saignements (sans significativité). En effet, le fait de commencer le lendemain de l’intervention en utilisant la moitié de la dose répartie matin et soir a permis, tout en gardant une meilleure efficacité, de diminuer les saignements du site opératoire.
4. Quelle place pour le Le Fondaparinux à la dose de 2.5mg/j aujourd’hui :
L’étude OASIS 5 (6)démontre l’efficacité et la très bonne tolérance de la dose de 2.5mg/j de fondaparinux en comparaison de l’enoxaparine à dose thérapeutique dans les Syndromes Coronariens Aigus (en l’absence de stent, selon son AMM). Cette dose (associée à l’aspirine), prophylactique en orthopédie, parait par conséquent particulièrement indiquée chez les patients coronariens non stentés et les diabétiques. Elle permet, en effet, d’éviter une dose thérapeutique d’HBPM en cas d’élévation de la troponine I en postopératoire immédiat et ainsi de diminuer le risque de saignement tout en protégeant parfaitement le patient sur le plan coronarien. En revanche le fondaparinux 1.5mg/j qui a l’AMM, mais n’est pas commercialisé en France, s’adapte parfaitement aux sujets insuffisants rénaux modérés
5. En pratique : comment choisir l’anticoagulant après chirurgie orthopédique
Actuellement, compte tenu de toutes ces données, il apparaît important pour optimiser le bénéfice/risque de réserver la dose de 150mg/jour de dabigatran aux sujets fragiles à risque de saignement (>75 ans, insuffisants rénaux modérés) et plutôt le rivaroxaban (10mg/jour) aux sujets jeunes, à risque thromboembolique élevé et obèse. Le fondaparinux parait le mieux adapté chez l’insuffisant coronarien non stenté et les patients diabétiques qui sont très souvent coronariens.
Cependant, la voie orale le jour de l’intervention pose quelques problèmes.
En effet, dans toutes ces études avec ces nouveaux anticoagulants, il existe 20% de nausées et vomissements et par conséquent la dose orale le jour de l’intervention peut ne pas être parfaitement réabsorbée chez un patient à jeun.
Les malades sortent de la salle d’opération à des horaires très différents entre 10h et 16h, si on veut respecter l’AMM et donner le dabigatran 1 à 4h après la fin de l’intervention, le rivaroxaban 6-8h après…., la première prise d’anticoagulant va s’étaler entre 11h et 4h du matin selon l’heure de sortie du bloc et le médicament choisi. Et théoriquement le lendemain, il faudrait respecter 24h d’écart, donc tous les patients devraient avoir des horaires décalés pendant toute la durée du traitement.
C’est pourquoi, nous suggérons de commencer avec une HBPM le soir de l’intervention pour tous les patients à la même heure et de reprendre avec un autre anticoagulant 24h après à la même heure. Ainsi, pas de problème si nausée ou vomissement et tous les anticoagulants sont donnés à la même heure.
Références
1. Eriksson BI, Dahl OE, Rosencher N, Kurth AA, van Dijk CN, Frostick SP, et al. Dabigatran etexilate versus enoxaparin for prevention of venous thromboembolism after total hip replacement: a randomised, double-blind, non-inferiority trial. Lancet. 2007;370:949-56.
2. Eriksson BI, Dahl OE, Rosencher N, Kurth AA, van Dijk CN, Frostick SP, et al. Oral dabigatran etexilate vs. subcutaneous enoxaparin for the prevention of venous thromboembolism after total knee replacement: the RE-MODEL randomized trial. J Thromb Haemost. 2007;5:2178-85.
3. Lassen MR, Ageno W, Borris LC, Lieberman JR, Rosencher N, Bandel TJ, et al. Rivaroxaban versus enoxaparin for thromboprophylaxis after total knee arthroplasty. N Engl J Med. 2008;358:2776-86.
4. Eriksson BI, Kakkar AK, Turpie AG, Gent M, Bandel TJ, Homering M, et al. Oral rivaroxaban for the prevention of symptomatic venous thromboembolism after elective hip and knee replacement. J Bone Joint Surg Br. 2009;91:636-44.
5. Lassen MR, Raskob GE, Gallus A, Pineo G, Chen D, Hornick P. Apixaban versus enoxaparin for thromboprophylaxis after knee replacement (ADVANCE-2): a randomised double-blind trial. Lancet. 2010;375:807-15.
6. MICHELANGELO . Design and rationale of the MICHELANGELO Organization to Assess Strategies in Acute Ischemic Syndromes (OASIS)-5 trial program evaluating fondaparinux, a synthetic factor Xa inhibitor, in patients with non-ST-segment elevation acute coronary syndromes. Am Heart J. 2005;150:1107.