J.-F. Kempf, Clavert, F Sirveaux (Strasbourg)
Les fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus sont un véritable problème de santé publique dans la mesure où la croissance du nombre des cas observés dans le monde est exponentielle avec un triplement vraisemblable du nombre de ces fractures survenant chez un sujet âgé en 2030.
Dans l’algorithme de décision thérapeutique concernant ces fractures complexes, déplacées (types 3 et 4 de Neer), seuls les patients de plus de 65-70 ans ayant des critères péjoratifs concernant le risque d’ostéonécrose de la tête humérale sont susceptibles de se faire poser la question : faut-il faire une prothèse et quel type de modèle prothétique faut-il sélectionner ?
Depuis les travaux princeps de Ch. Neer, une hémi-arthroplastie peut donc être proposée pour traiter ces fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus. L’avantage de ces prothèses humérales est qu’il n’y a bien sûr aucun risque de nécrose céphalique mais les problèmes posés restent nombreux: il s’agit d’une chirurgie difficile où l’élément essentiel reste la reconstruction des tubérosités en bonne place avec une fixation suffisamment solide pour attendre la consolidation.
Nous savons en effet que le résultat fonctionnel répondra à la loi du tout ou rien : soit il sera correct et satisfaisant soit il sera très médiocre. De nombreuses études ont parfaitement démontré que ce sont les malpositions des tubérosités pendant l’acte opératoire, les migrations de celles-ci, le cal vicieux ou la pseudarthrose de l’une de ces tubérosités qui sont corrélés très fortement avec un mauvais résultat fonctionnel.
De nombreux modèles dédiés au traitement de ces fractures (= »prothèses fractures ») ont vu le jour permettant d’une part de bien repositionner ces tubérosités, de les fixer solidement et de favoriser la consolidation des tubérosités ainsi correctement fixées.
Plusieurs études multicentriques ont montré néanmoins les limites de ces implants « fractures » dont les résultats restent insuffisants lorsqu’il n’y a plus de coiffe des rotateurs, lorsque le patient est très âgé et ostéoporotique ou encore lorsqu’il y a un risque d’instabilité.
Pour toutes ces raisons, la prothèse inversée a été proposée par de nombreux auteurs car elle est capable de restaurer une mobilité active en élévation.
Nous rapportons une étude multicentrique prospective comparant 28 cas de prothèses inversées à 28 cas d’hémi-arthroplasties qui montre des résultats (appréciés selon le score de Constant) comparables mais l’avantage du groupe prothèse inversée était que l’élévation antérieure active n’était pas influencée par la consolidation des tubérosités, contrairement aux prothèses humérales et que la prothèse inversée permettait d’observer une récupération de l’élévation antérieure de l’ordre de 120° de façon beaucoup plus constante et régulière que la prothèse anatomique qui elle permettait par contre un résultat fonctionnel proche de la normale si les tubérosités étaient parfaitement reconstruites et consolidées.
Dans cette étude il apparaissait néanmoins que la prothèse inversée pêchait encore dans la récupération des rotations lorsqu’il n’y avait pas de consolidation des tubérosités et c’est la raison pour laquelle une nouvelle prothèse dédiée aux fractures a été mise au point par la Société Tornier (RSA fracture) dont nous rapporterons les résultats prometteurs mais qui mérite encore d’être confirmés par des études ultérieures.
Nos indications actuelles entre ces deux types d’implant sont donc les suivantes :
– chez un patient de moins de 75 ans présentant une fracture à 4 fragments avec des critères de Hertel positifs quant aux risques d’ostéonécrose secondaire, nous proposons une prothèse humérale fracture de première intention
– chez un patient de plus de 75 ans, ou en cas de grande ostéoporose ou encore en cas de rupture manifeste de la coiffe des rotateurs, l’indication première est celle d’une prothèse inversée de type fracture.