Ph Hernigou (Créteil)
La longueur idéale d’une tige fémorale cimentée ou non cimentée reste empirique. Historiquement l’évolution s’est faite vers une progression de la longueur de l’implant fémoral vers une taille moyenne, située entre 13 et 15 cm selon le dessin de l’implant, sur le caractère ciment et non cimenté, et selon aussi le caractère remplissant et non remplissant de la tige fémorale.
Matériel et Méthode : L’utilisation d’une tige fémorale courte ne pourrait être justifiée qu’à trois conditions : que quelque soit sa longueur, elle puisse être positionnée dans l’axe du fémur, c’est-à-dire sans varus ; qu’elle ne s’accompagne pas de descellement plus rapide que les tiges standards, c’est-à-dire qu’elle puisse atteindre trois décennies, même s’il existe une ostéolyse modérée de la partie supérieure du fémur ; qu’elle évite à long terme les remaniements fémoraux périprothétiques et sous prothétiques, c’est-à-dire en particulier la résorption corticale endostée et l’élargissement du canal médullaire.
C’est sans doute ce dernier phénomène qui apparaît le plus déterminant à long terme pour un éventuel avantage d’une tige courte, à la condition que le phénomène de la résorption corticale endostée soit liée à la longueur de la tige et non pas à un autre phénomène.
Ce phénomène étudié par Charnley en 1968 montrait que le « remodelé » fémoral anormal autour d’une prothèse fémorale cimentée pouvait s’effectué de deux manières : soit pas amincissement cortical avec résorption endostée autour du composant fémoral et du ciment ; soit parfois par une hypertrophie du fémur à l’extrémité de la tige fémorale. Les explications de ces phénomènes sont variables et peu étudiées. Aucune information n’a été fournie jusqu’ici sur la différence de remodelage qu’il peut exister sur une pièce fémorale cimentée selon la longueur de la tige et selon le couple de frottement alumine-alumine, suivant le couple de frottement alumine-polyéthylène. Pour étudier ces phénomènes, 120 prothèses fémorales cimentées Céraver implantées entre 1980 et 1983, chez 60 patients ayant reçu des prothèses bilatérales, avec d’un côté un couple alumine-polyéthylène et de l’autre un couple alumine-alumine ont été revues. Les modifications du fémur ont été corrélées à la longueur de la tige qui a été rapportée à la longueur du fémur variable suivant la taille du patient, et aux données demographiques suivantes : age, sexe, alignement de la tige…
Résultats : Aucune association n’a été retrouvée entre les données démographiques et le remodelé cortical, en particulier il n’y a aucune corrélation entre le remodelé cortical et la longueur de la tige fémorale rapportée a la longueur du fémur. Par contre, il existe une différence significative entre le remodelé du fémur et le couple de frottement. Avec un couple alumine-alumine, il n’existe pratiquement pas de remodelé fémoral pour la tige titane cimentée. A l’inverse, avec le couple alumine-polyéthylène, il existe une modification du fémur dans 30 % des cas avec, dans la majorité des cas, une résorption endostée supérieure à 20 % et rarement (4 %) une hypertrophie corticale distale de plus de 40 %. Ces remaniements apparaissent directement liés à l’importance de l’ostéolyse du fémur proximal. Pour une ostéolyse proximale inférieure à 200 mm2, il n’existe pas de remodelé cortical. Pour une ostéolyse supérieure à 200 mm2, les phénomènes de résorption corticale peuvent être observés et apparaissent directement liés à l’importance de l’ostéolyse fémorale proximale qui est elle-même liée au couple de frottement alumine-polyéthylène.
Conclusion
Dans cette étude qui montre que les tiges fémorales cimentées fournissent des résultats durables à 30 ans, il n’apparaît pas que le remodelé fémoral soit lié à la longueur de la tige mais plutôt au couple de frottement. Raccourcir la longueur de la tige n’apportera donc sans doute pas de bénéfice, sauf si elle s’accompagne d’un couple de frottement alumine-alumine, mais si on utilise un couple de frottement alumine-alumine, comme il n’y a pas de modification fémorale corticale à long terme, il n’y a aucune raison de prendre le risque de raccourcir la longueur de la tige fémorale…